Journée internationale des droits des femmes
En cette journée internationale des droits des femmes, nous avons décidé de publier une interview conjointe de deux scientifiques extraordinaires qui ont reçu une bourse du Fonds France-Canada pour la Recherche (FFCR) en 2022 pour travailler sur "la compréhension et la prévision des impacts des changements induits par le climat sur les phoques des glaces de l’Arctique".
Dr. Ruth Joy est statisticienne-écologiste à l’École des sciences de l’environnement et professeure au département des statistiques de la Simon Fraser University (Vancouver, Canada). Elle est titulaire d’un doctorat en statistiques et s’intéresse à la science des mammifères marins ainsi qu’à l’acoustique sous-marine. Elle travaille sur l’écologie quantitative, en particulier sur les baleines, les phoques et les otaries de la côte ouest.
Dr. Tiphaine Jeanniard du Dot est quant à elle chercheuse au Centre d’études biologiques de Chizé (CNRS - Université de La Rochelle, France). En tant que biologiste marine, elle est spécialisée dans l’écologie des mammifères marins, en particulier les phoques en milieu polaire, ainsi que dans le bio-logging, le développement et l’utilisation de dispositifs multi-capteurs pour étudier les animaux dans leur environnement.
Ruth et Tiphaine ont gentiment accepté de répondre à nos questions et de donner leur point de vue sur la place des femmes dans la recherche.
Dans votre domaine de recherche, les femmes sont-elles sous-représentées ?
Ruth et Tiphaine : « Les femmes sont très bien représentées dans les études de premier cycle et dans les premières études supérieures en sciences de la mer, mais le plafond de verre reste malheureusement toujours présents dans le domaine universitaire des sciences de la mer. »
Tiphaine : « Dans mon laboratoire en France, un peu plus de 50 % des doctorants sont des femmes, mais je suis la première et la seule femme chercheuse au CNRS dans mon équipe. Travailler dans un domaine et un environnement de travail dominés par les hommes est très difficile mentalement et sur le plan de la carrière. Cela peut être source d’isolement. C’est à ce moment-là que les réseaux de femmes dans la science sont si importants, pour se soutenir mutuellement. »
La situation a-t-elle évolué au cours des dix dernières années ?
Ruth et Tiphaine : « Des efforts ont été faits au niveau des institutions pour combler le fossé entre les hommes et les femmes dans les sciences et, même si les femmes sont toujours sous-représentées et victimes de discrimination dans les sciences au niveau universitaire, nous pouvons constater de lentes améliorations. »
Tiphaine : « Par exemple, j’ai passé 5 mois à travailler sur le terrain, aux îles Kerguelen, il y a 10 ans, à une époque où le ratio femmes/hommes était de 1 pour 10. Je reviens d’une nouvelle session de trois mois, et cette fois, le rapport était de 1 à 3. La représentation des femmes augmente et la nouvelle génération de femmes est plus engagée dans la défense pour l’égalité, l’équité et l’inclusion et dans la lutte contre toutes les formes de discrimination dont elles peuvent être victimes ou témoins. Les jeunes hommes sont également plus engagés en faveur d’un lieu de travail plus égalitaire. C’est prometteur ! »
Quels conseils pourriez-vous donner à la jeune génération de femmes qui sont attirées par les Sciences et Technologies ?
Ruth et Tiphaine : « Nous leur conseillerions de créer ou de rejoindre des réseaux de soutien aux femmes dans le domaine des sciences et, à leur tour, d’encadrer et de soutenir les femmes plus jeunes pour qu’elles rejoignent les rangs ! Si les femmes se soutiennent mutuellement et que davantage de femmes parviennent à briser le plafond de verre, la culture scientifique universitaire deviendra plus accueillante pour les autres femmes. C’est un cercle vertueux ! »
Dans votre institution de recherche, pouvez-vous citer quelques programmes qui ont été mis en place pour encourager les femmes dans la science et l’innovation ?
Tiphaine : « J’ai personnellement créé le Comité pour l’égalité, la diversité, l’inclusion et le bien-être dans mon institut de recherche l’année dernière, qui a atteint 25 membres le premier jour de sa création. Il est intéressant de noter que 90 % des membres sont des femmes, diplômées ou post-doctorantes. Ce chiffre reflète que la population féminine est plus sensible à la promotion de ces valeurs, car elle souffre davantage de la discrimination fondée sur le sexe. Ce groupe est très actif : nous invitons des conférenciers et organisons des ateliers en ligne ou en présentiel pour éduquer les membres du laboratoire sur ces sujets. Nous sommes également actives dans les écoles, où nous discutons avec les enfants et les adolescents de notre travail et de notre expérience en tant que femmes dans un domaine scientifique. Je travaille également en étroite collaboration avec le vice-président pour l’égalité de l’université de La Rochelle afin de créer un processus de recrutement plus égalitaire et inclusif. »
Merci à Ruth et Tiphaine pour leur témoignage !